Forum Bella Maniera 2018 – Feuilles en quête d’auteurs (Partie 1/2)

De même que l’an dernier, notre séance « Feuilles en quête d’auteurs » clôturera le Forum Bella Maniera, ce samedi 24 novembre (Paris, auditorium du musée des Arts décoratifs). Quelques œuvres intéressantes, mais problématiques, sont soumises à l’appréciation des participants par des chercheurs travaillant actuellement sur des expositions ou à l’inventaire de collections graphiques.

Découvrez ci-dessous les premiers dessins qui seront projetés lors de cette session. Si ces feuilles vous inspirent, venez nous donner votre avis ou partager vos impressions lors du Forum !

Feuille n° 1

Elle nous est proposée par Antoine Chatelain, qui a consacré son mémoire de master 2 de l’Ecole du Louvre à la rédaction du catalogue raisonné des dessins français de la seconde moitié du XVIIIe siècle conservés au musée de Besançon (et qui a été l’heureux lauréat de la Bourse Bella Maniera 2017 !)

Il s’agit d’une très belle Etude de tête d’homme noir, vue de profil, réalisée sur un papier qui fut autrefois bleu. Longtemps attribuée à Jean-Baptiste Oudry (1686-1755) en raison d’une inscription au crayon apposée en bas à gauche, la feuille a ensuite été donnée à Carle Vanloo (1705-1765). Antoine Chatelain se demande si elle ne serait pas en réalité plus tardive, peut-être à situer vers 1770-1780. Que penser de ces attributions anciennes ? De la datation de la feuille ? Qui a réalisé ce dessin dont le trait révèle une autorité certaine ? Et qui peut bien être ce mystérieux modèle ?

Feuille n° 2

Une feuille qui devrait intéresser les historiens!

Elodie Vaysse, conservatrice du patrimoine au château de Rueil-Malmaison, nous soumet ce dessin problématique : une Vue de la ville et du château de Beaucaire. Elle a étudié cette oeuvre pour la préparation de l’exposition L’œil et la main. Chefs-d’oeuvre du dessin français des 16e et 17e siècles, qui vient tout juste d’ouvrir ses portes au musée des Beaux-Arts de Rouen, à laquelle elle a travaillé avec Diederik Bakhuys et Barbara Brejon de Lavergnée. L’association projette d’ailleurs d’organiser une visite de cette magnifique exposition début 2019 (on ne peut pas rater ça !).

Le dessin portait une attribution traditionnelle à Israël Silvestre – depuis son passage dans la collection du grand collectionneur Philippe de Chennevières (1820-1899). Or, Bénédicte Gady et Juliette Trey, commissaires de l’exposition La France vue du Grand Siècle dédiée aux dessins de l’artiste, n’y reconnaissent pas le style de ses paysages, caractérisés par la présence de petits personnages au premier plan de la composition.

Elodie Vaysse a donc repris l’enquête et s’est penchée sur l’histoire de Beaucaire:

« à l’époque moderne, Beaucaire, située au croisement du Rhône et de plusieurs voies importantes, constitue en effet un lieu de passage, notamment lors de la foire de la Madeleine qui se tient chaque été à partir de la fête de la sainte, le 22 juillet. L’auteur du dessin est peut-être venu à cette période : on distingue en effet l’ébauche, sous les murailles du château, des baraques élevées par les forains au bord du fleuve. Exécutée depuis Tarascon, sur la rive gauche du Rhône, dont le château médiéval devait offrir un panorama commode, l’œuvre permet de discerner […] les deux clochers de la ville, ceux des Cordeliers et de Notre-Dame. Elle offre, surtout, un point de vue sur la forteresse, mal connue avant son démantèlement sur ordre de Louis XIII en 1632« .

Même si d’importants vestiges de la forteresse médiévale ont subsisté, Elodie Vaysse présume que le dessin a été exécuté avant la date de son démantèlement, ordonné par le cardinal de Richelieu. Et, en 1632, Israël Silvestre n’était qu’un enfant d’une dizaine d’années…!

Le dessin porte une inscription à la plume et à l’encre brune, en bas à gauche : « Baucaire » ; en bas au centre, à la sanguine : « C » ; et en haut à droite, une inscription ancienne à la plume et à l’encre brune qui est peut-être de la main de l’artiste (?) : « Le Chatteau plus Relevé ».

Qui est l’auteur de cette vue panoramique du XVIIe siècle ?

Feuilles n° 3 et 4

Pour les 3e et 4e feuilles, nous avons sollicité Gérard Fabre et Luc Georget, commissaires de l’exposition L’Art et la manière qui ouvre dans quelques jours au Centre de la Vieille Charité et dont l’objectif est de mettre en lumière les collections de dessins français du XVIIIe siècle des musées de Marseille (à nouveau, Bella Maniera ne résistera certainement pas au plaisir d’y programmer une visite..!)

Ils ont souhaité attirer notre attention sur une paire de croquis, une Etude de femme allongée sur le sol et une Etude de femme debout, les yeux levés au ciel :

« nous avons longuement hésité durant la préparation de notre exposition, sans réussir à trancher sur leur paternité tant il y a eu d’avis divergents. Il s’agit de deux sanguines, très certainement réalisées en Italie (Rome). Initialement, elles ont été identifiées comme étant deux œuvres d’André Lebrun (1737-1811) par Olivier Michel, et vues également par Monsieur Louis-Antoine Prat comme des Lebrun. Ces deux sanguines sont sur le même papier vergé, de dimensions identiques et comportent au verso le même cachet d’une collection non encore identifiée dans le Lugt ».

Lors de l’exposition L’Appel de l’Italie organisée au musée de Grenoble en 2006, Françoise Joulie maintient l’attribution à Lebrun pour le premier dessin, mais le second lui paraît plus « proche de ce que ferait Charles-François Hutin (1715-1776) ».

Et dernièrement, Camille Brunaux, qui a consacré un mémoire à André Lebrun, ne reconnaît pas sa main dans ces dessins… Le nom de Jean Barbault (1718-1762) est envisagé comme nouvelle piste d’attribution…

Ces deux sanguines sont-elles de la même main ? A qui peuvent-elle être attribuées ?

Rendez-vous en début de semaine prochaine sur le blog pour connaître les trois dernières œuvres qui seront examinées lors du Forum Bella Maniera !

Frédérique Lanoë