Forum Bella Maniera 2018 – Feuilles en quête d’auteurs (Partie 2/2)

Voici la suite des dessins anonymes qui seront présentés samedi au Forum Bella Maniera (les premiers cas sont exposés ici) ! Si vous avez des idées à leur sujet, venez en discuter ce 24 novembre à l’auditorium du musée des arts décoratifs !

Eric Pagliano, Bénédicte Gady et Elodie Vaysse seront présents pour débattre sur ces dessins problématiques.


Feuille n° 5

On a la chance que certains musées aient numérisé une bonne partie de leurs collections, même les raretés, même les dessins anonymes… Le musée des arts décoratifs fait partie de ceux-ci. C’est en naviguant sur la base de données des collections que notre attention a été attirée par une fort belle feuille italienne. Et nous remercions Bénédicte Gady, conservatrice du cabinet des arts graphiques, de nous avoir permis de l’étudier ici.

Pour Catherine Goguel, qui a eu l’occasion de l’examiner de près, le style de cette feuille renvoie au milieu du XVIe siècle, après le sac de Rome.

A gauche, on déchiffre une inscription peu lisible « …e di Gregorio XIII »

Le dessin porte en haut à droite une inscription, dont les premiers termes sont rayés et illisibles mais qui se poursuit ainsi : « nella loggie del palazo / vatticano in roma / di Donato Formello / Vid. il Baglione / pag. 15 »

« Voir le Baglione, p. 15″… Ce que nous avons fait. Nous avons été consulter les Vite de’ Pittori, Scultori, Architetti, ed Intagliatori de Giovanni Baglione, publiées pour la première fois à Rome en 1642, et à la page 15 nous avons effectivement la biographie d’un certain Donato da Formello (entre 1538 et 1550 – vers 1580), élève de Vasari, mort jeune et qui fut son assistant sur le chantier du Vatican, sous le pontificat du pape Grégoire XIII (1572-1585).

Se référant à un livre du XVIIe siècle, cette inscription est donc plus tardive que le dessin: quel crédit lui accorder? Que sait-on au juste de Donato da Formello? Très peu d’œuvres lui sont attribuées…!

Les armes, imposantes, sont celles d’un pape (la tiare, les deux clefs) Médicis (sept boules dont une chargée de fleurs de lys). Que penser de ce dessin? La mise en page et les inscriptions laissent présumer une commande importante. Est-il réellement lié au chantier des loges du Vatican?


Feuille n° 6

Cette feuille nous est proposée par Eric Pagliano, qui a écumé et étudié à fond les dessins italiens des cabinets d’arts graphiques des musées français : il a, entre autres, rédigé des catalogues pour les musées d’Orléans, Grenoble, Lyon, Montpellier, Rennes… Son expertise lui a permis d’avancer de nouvelles attributions qu’il a à cœur de soutenir par un travail scientifique rigoureux autour de la « génétique » de l’oeuvre.

Il nous propose aujourd’hui de réfléchir sur cette Tête d’homme conservée au musée d’Orléans.

Pour cette étude au modelé quasi sculptural, Eric Pagliano avait souscrit à une attribution à Giuseppe Cesari, plus connu sous le nom du Cavalier d’Arpin (1568-1640), proposée pour la première fois par Catherine Loisel. Il pense toutefois désormais que cette attribution ne peut être retenue et doit être révisée.

En faveur de qui?

Eric Pagliano nous montrera encore d’autres dessins problématiques de la collection d’Orléans et nous dira également quelques mots de l’exposition Drapé qu’il prépare pour le musée des Beaux-Arts de Lyon.

Feuille n° 7

Notre dernier dessin est une feuille un peu spéciale et qui nous tient particulièrement à cœur, car en la présentant, c’est surtout celui qui nous l’a fait découvrir que nous souhaitons évoquer. Un tapissier hors pair, un ancien camarade de l’Ecole du Louvre et de l’université de Lille III, un éminent dix-huitièmiste, un collègue érudit et toujours prêt à la discussion, et plus qu’un collègue, un ami disparu bien trop tôt : Xavier Bonnet, décédé le 14 octobre dernier. C’est d’ailleurs en se remémorant l’un de leurs fructueux échanges autour du dessin que Sarah Catala a souhaité aujourd’hui montrer cette feuille que Xavier lui avait soumise pour avoir son avis.

Dans le cadre de la préparation de sa thèse sur François Capin, tapissier ordinaire du roi et du garde-meuble de Couronne (1727-1789), Xavier explorait les archives avec passion pour essayer d’en apprendre toujours plus sur la vie et le travail des tapissiers du XVIIIe siècle. C’est en faisant des recherches dans les archives des corporations des Bouches-du-Rhône qu’il avait découvert ce dessin, page de garde du « Grand Livre du Corps des Maîtres et Marchands Tapissiers de cette Ville de Marseille« , daté de 1748. Étonné par la qualité apportée à l’ornementation de la première page de ce manuscrit comprenant les comptes de la corporation, il se demandait s’il fallait y voir une création originale d’un artiste doué pour l’ornementation ou la réutilisation de modèles préexistants. Sarah n’a malheureusement pas eu le temps de lui apporter une réponse précise concernant ce dessin qui l’intéressait tant…

Frédérique Lanoë

Pour prolonger la discussion, retrouvez-nous samedi au Forum Bella Maniera!