Silvia Faranna lauréate du Prix JRC pour sa thèse sur Alessandro Allori dessinateur

Le jury composé du collectionneur et amateur Jean-Rémi Camus, de Dominique Cordellier, conservateur honoraire au département des Arts graphiques du musée du Louvre et d’Hélène Rihal, directrice du département dessins anciens et du XIXe siècle à Christie’s Paris, ont choisi la lauréate du prix JRC qui a été remis vendredi 16 mai à la Librairie du Louvre. Ils ont décidé de soutenir le projet de Silvia Faranna pour cette deuxième édition du Prix JRC. Faranna est doctorante à l’Università degli Studi di Roma « Tor Vergata » depuis novembre 2024 sous la direction du Professeur Francesco Grisolia. Sa recherche est consacrée à la figure d’Alessandro Allori (1535-1607), artiste florentin qui a œuvré pendant la seconde moitié du XVIe siècle et les premières années du XVIIe siècle.

Immagine che contiene Viso umano, schizzo, ritratto, disegno

Il contenuto generato dall'IA potrebbe non essere corretto.

L’intention principale de cette recherche est d’analyser la figure d’Alessandro Allori dessinateur, artiste prolifique dans le domaine graphique, et auteur des Ragionamenti delle regole del disegno. Les feuilles actuellement attribuées à la main d’Allori, en plus d’être très nombreuses, s’avèrent particulièrement intéressantes pour la variété des techniques et typologies. La recherche visera donc à reconstruire, examiner et mettre à jour le vaste corpus des feuilles de l’artiste, avec l’objectif final de rédiger le premier catalogue raisonné des dessins et de relever les caractéristiques de sa pratique du dessin sur papier et de l’underdrawing sur panneau, toile ou support mural.

Tête de jeune femme, de profil, tournée vers la droite, le regard levé, 27×21 cm, pierre noire, Paris, musée du Louvre, Département des Arts graphiques (INV 18 recto).

La production graphique d’Alessandro Allori a attiré l’attention de nombreux chercheurs, particulièrement depuis le début du XXe siècle. En effet, la maîtrise d’Allori dans le domaine graphique avait déjà été célébrée par Vasari dans la seconde édition des Vite (1568), où il louait la « perfezione del disegno » dans les peintures de l’artiste. Borghini (Il riposo, 1584) rappelle également qu’Allori « fu introdotto da Agnolo Bronzino […] al disegno, e poscia alla pittura ». Les dessins d’Allori ne pouvaient manquer dans la collection du cardinal Léopold de Médicis, organisée par Baldinucci, qui le considérait effectivement comme un maître du dessin. Après une longue période de silence, l’attention pour la production graphique de l’artiste a resurgi grâce aux articles pionniers de Geisenheimer (1906) et Giglioli (1922-1923). En effet, ce regain d’intérêt a conduit à l’exposition de ses dessins dans diverses expositions importantes, à partir de l’Exposition sur le Cinquecento toscan (1940). Les articles de Heikamp, publiés entre 1958 et 1990, ont davantage défini l’activité d’Allori comme cartonnier à la cour des Médicis. La figure qui s’est le plus consacrée à l’étude d’Alessandro Allori a été Simona Lecchini Giovannoni, qui en 1970 a organisé la Mostra dei disegni di Alessandro Allori aux Offices, et a publié la monographie de 1991. 

Importantes ont été les contributions focalisées en particulier sur la relation entre ses dessins et ses œuvres – allant des peintures aux tapisseries – avec de nouvelles attributions, parmi lesquelles celles proposées par Monbeig Goguel (1971), Pouncey (1977), Lecchini Giovannoni (1977-1988), Cecchi (1988), Viatte (1988), Petrioli Tofani (1982, 2002), Prosperi Valenti Rodinò (1998), ainsi que, plus récemment, Tordella (2002), Bambach (2008), Spinelli (2012) et Stock (2018).  

De plus, l’approfondissement de Pilliod sur le lien entre PontormoBronzinoAllori et Michel-Ange (2001, 2003) est significatif ; le rapport avec Michel-Ange a également été exploré par Joannides (2003) et dans l’exposition L’ombra del genio : Michelangelo e le arti a Firenze 1537-1631 (2002-2003). Au cours des dernières années, les études de Pierguidi (2007, 2013), Baroni Vannucci (2013), Degl’Innocenti (2013) et Baldi (2014) ont approfondi les ensembles de dessins représentant les figurines théâtrales et les costumes de la Mascherata della Genealogia degli dèi (1565/1566), un domaine enrichi, dans son contexte documentaire et par l’analyse des sources, par les recherches de Lepri (2017) et Carrara (2018, 2020, 2022). En ce qui concerne le traité sur le dessin compilé par Alessandro Allori, le contenu et les manuscrits ont été étudiés par Ciardi Dupré (1971) et partiellement publiés par Barocchi (1973). Par la suite, le traité a fait l’objet de recherches doctorales de Reilly (1999) et Barr (2006), et enfin, de manière plus complète, de Nanobashvili (2018, 2025) et Nava (2025).

L’attention académique consacrée à Alessandro Allori souligne l’importance cruciale du dessin dans sa production artistique, reconnue et célébrée dans de multiples contextes expositifs et études critiques. Cependant, une lacune significative émerge : il manque une édition critique et systématique de l’ensemble du corpus graphique d’Alessandro Allori. À l’exposition inaugurée en 1970, par exemple, seules 82 feuilles de la collection des Offices ont été exposées, et la monographie de 1991 – dans laquelle seuls 270 dessins sont cités – ne contient pas une étude approfondie et philologique de sa graphique. Cette absence représente une opportunité pour approfondir l’étude des dessins de l’artiste, sujet qui propose de multiples motifs d’intérêt critique et qui offre un vaste champ de recherche.

Etude d’un squelette debout, la jambe gauche levée, 42,8 cm x 28,4 cm, pierre noire, Paris, musée du Louvre, Département des Arts graphiques (INV 13 recto).

Immagine che contiene disegno, dipinto, arte, schizzo

Il contenuto generato dall'IA potrebbe non essere corretto.

Cette étude aidera à définir le rôle fondamental du dessin pour un artiste polyvalent comme Allori qui, comme d’autres artistes de l’époque, n’était pas seulement un peintre, mais aussi un académicien, un décorateur, un naturaliste-anatomiste, un costumier, un concepteur d’appareils éphémères et d’interventions architecturales, et un dessinateur pour tapisseries. En étudiant ses dessins, il sera possible de saisir pleinement le climat culturel et artistique de l’Accademia delle Arti del Disegno – dont il fut membre et consul –, de la cour des Médicis, des commanditaires aristocratiques et du clergé de la Contre-Réforme. Allori est en outre une figure clé pour saisir le développement du dessin et de la peinture pendant la transition de la seconde moitié du XVIe siècle au début du XVIIe siècle florentin, une période cruciale de l’histoire de l’Art, bien compréhensible à partir de la relation entre Alessandro Allori et son fils Cristofano.

La chance d’étudier les dessins anciens est celle de pouvoir observer de près les feuilles, et d’analyser en tête-à-tête le trait et les aspects matériels du papier et du dessin. Toutefois, la fragilité de ces œuvres d’art nécessite l’organisation de voyages d’études et de recherche afin que les feuilles puissent être examinées dans leurs lieux de conservation, les cabinets de dessins et estampes appartenant à des institutions publiques ou privées, réparties sur le territoire international. Le corpus compte aujourd’hui plus de 600 dessins, conservés dans diverses collections graphiques italiennes, européennes et outre-Atlantique. Le Prix JRC aidera la lauréate à se déplacer dans ces différentes collections.