Gravure en clair-obscur, Cranach, Raphaël, Rubens… au Musée du Louvre

L’exposition Gravure en clair-obscur, Cranach, Raphaël, Rubens, actuellement présentée au Musée du Louvre, nous offre un beau panorama de l’histoire de cette technique qui connait son apogée aux XVIe et XVIIe siècles en Europe. Grâce à la présentation de différentes planches, nous découvrons les détails du processus de création d’une gravure sur bois en couleurs ou en clair-obscur. En effet, dans la composition de ce type d’estampe, le graveur réalise une première planche de traits, brunes ou noires, puis superpose une, deux ou trois planches de teintes.

Hans Burgkmair, L’empereur Maximilien à cheval, 1508, gravure sur bois sur papier coloré rouge, H. 349 ; L. 240 mm, Oxford, Ashmolean Museum, inv. WA 1863.3055 ; Hans Burgkmair, L’empereur Maximilien à cheval, 1508, gravure sur bois, 1 pl. de trait noir, H. 323 ; L. 226 mm, Paris, Musée du Louvre, DAG, inv. 737 LR ; Hans Burgkmair, L’empereur Maximilien à cheval, 1508, gravure sur bois, 1 pl. de teinte, H. 325 ; L. 232 mm, Paris, Musée du Louvre, DAG, inv. 736 LR.

L’histoire de la technique remonte au début du XVIe siècle. Les premiers essais de ce type d’estampe ont lieu en Allemagne. À Wittenberg, Lucas Cranach l’Ancien obtient le premier clair-obscur imprimé à l’aide d’une matrice par addition de rehauts d’encre dorée sur une épreuve en noir. La circulation de ces nouveautés est rapide, à Strasbourg, Hans Baldung et Hans Wechlin réalisent plusieurs gravures en clair-obscur entre 1510 et 1513. En Italie, Ugo da Carpi revendique, devant le Sénat de la ville de Venise en 1516, l’invention de cette nouvelle manière de rendre le clair-obscur, en s’appropriant le terme de « chiaroscuro ». Dans les années 1540, Domenico Beccafumi excelle dans ce domaine, combinant gravure sur bois en clair-obscur et burin.


L’estampe en clair-obscur procède d’une esthétique qui traduit un goût pour la spontanéité des effets du dessin à la plume, du lavis et des rehauts de gouache blanche sur papier coloré, de la pointe de métal sur papier préparé ou encore de l’art de la grisaille. Pour soutenir cette idée, Séverine Lepape, commissaire de l’exposition, commence par présenter trois dessins de Lorenzo di Credi, de Nicolaus Alexander Mayr et de l’Atelier de Mantegna. Elle juxtapose ensuite gravures et dessins pour montrer que le dessin fait parfois partie du processus de création de l’estampe, il est une étape préparatoire. Le dessin de Domenico Beccafumi, Homme nu étendu à terre, est présenté à côté de deux de ses planches de traits et de teintes.

Pour les artistes, la gravure apparaît aussi comme un moyen privilégié pour diffuser leur style. Ces derniers traduisent eux-mêmes leurs dessins en estampes ou bien font appels à des graveurs. Dans l’exposition, trois dessins de Parmesan sont mis en relation avec des gravures attribuées à Antonio da Trento et Niccolò Vicentino. Ces derniers sont cités avec Ugo da Carpi, par Vasari, comme les principaux interprètes de l’artiste. Notons aussi le dessin d’Abrabram Bloemaert, représentant Aaron, qui est repris en gravure par un anonyme contemporain de l’artiste.

Séverine Lepape attire toutefois l’attention sur la nouvelle manière d’appréhender ce type d’estampe. En effet, si Vasari accentue sa relation au dessin, avec le temps, la gravure en clair-obscur est analysée en lien avec les autres arts. Il est notamment important de percevoir la spécificité de la technique sur les grands formats et sa relation aux fresques et aux larges peintures murales. En l’occurence, dans l’exposition, une gravure de grandes dimensions de Joos Gietleughen d’après Frans Floris est présentée comme un élément décoratif qui devait orner les murs d’une propriété anversoise. Ainsi, l’estampe en couleurs, en clair-obscur ou encore en camaïeu – terme surtout employé pour le procédé allemand – n’est pas une simple reproduction esthétique du dessin, mais un objet composite de grande qualité.

Joos Gietleughen, d’après Frans Floris, Les Chasses, 1555, gravure sur bois, H. 431 ; L. 1625 mm, Paris, Bnf, département des Estampes et de la Photographie.

La gravure en clair-obscur Cranach, Raphaël, Rubens

Sous la dir. de Séverine Lepape, Paris, 2018.

Pour en savoir plus (cliquez) !

La gravure en clair-obscur a déjà été à l’honneur, sur le blog. L’article a migré sur le blog de Sarah Catala : Renaissance Impressions – Chiaroscuro woodcuts à la Royal Academy.

The Chiaroscuro Woodcut in Renaissance Italy, sous la dir. de Naoko Takahatake, cat. exp., Los Angeles, LACMA, 3 Juin-16 septembre 2018, Los Angeles Prestel, 2018.

Renaissance Impressions. Chiaroscuro woodcuts from the Collections of Georg Baselitz and the Albertina, Vienna is at Royal Academy, sous la dir. de Achim Gnann, cat. exp., Londres, Royal Academy of Arts, 15 mars-8 juin 2014, Londres, Royal Academy Publications, 2014.

Parmesan : dessins et gravures en clair-obscur, sous la dir. de Emmanuelle Brugerolles, cat. exp., Paris, Musée des Beaux-Arts, 18 février-6 mai 2011, Rouen, Musée des Beaux-Arts, 29 septembre-31 décembre 2011, Ajaccio, Musée Fesch, 28 juin-1 octobre 2012, Paris, Beaux-arts de Paris, 2011.

Im Blickfeld der Goethezeit. IV, Chiaroscuro : italienische Farbholzschnitte der Renaissance und des Barock, sous la dir. de Dieter Graf, cat. exp., Rome, Casa di Goethe, 25 avril-23 juillet 2001, Weimar, Kunstsammlungen, 19 août-21 octobre 2001, Munich, Haus der Kunst, 17 octobre 2002 – 21 janvier 2003, Berlin, G-und-H-Verl., 2001.

Chiaroscuro Woodcuts : Hendrick Goltzius (1558-1617) and his time, sous la dir. de Nancy Bialler, cat. exp., Amsterdam, Rijksmuseum, 14 novembre 1992-10 janvier 1993, Cleveland, The Cleveland Museum of art, 9 février-11 avril 1993, Amsterdam-Ghent, Rijksmuseum-Snoeck-Ducaju & Zoon, 1992.

Merci !

Nous remercions vivement Séverine Lepape d’avoir répondu à toutes nos questions, à l’issue d’une visite en petit comité, organisée par le Musée du Louvre, dont les services de communication ont toujours une pensée pour l’association.