Autoportrait : Richardson dans tous ses états au Courtauld

C’est un accrochage modeste en quantité, mais incroyablement riche en qualité, que proposait le Courtauld Institute of Art de Londres, dans la Gilbert and Ildiko Butler Drawings Gallery, salle désormais consacrée à des accrochages de dessins issus essentiellement des collections de l’institution. Il s’agissait de la réunion d’une quizaine d’autoportraits de Jonathan Richardson (on en connaît actuellement 55) et les pistes de réflexions étaient aussi nombreuses que stimulantes !

Le peintre et théoricien anglais, actif au début du XVIIIe siècle, ne s’est tourné vers l’autoportrait que tardivement, après avoir réalisé une brillante carrière et s’être constitué une belle collection de dessins.

Jonathan, the elder Richardson (1665 – 1745), Autoportrait,1728, pierre noire sur papier bleu, H. 483 ; L. 305 mm, inv. D.1952.RW.1552 © The Samuel Courtauld Trust, The Courtauld Gallery, London

Le plus fascinant était de voir cet homme se scruter sur papier, en variant les supports et les techniques.

Il y avait quelques feuilles absolument passionnantes qui montraient le travail de citation, puisque Richardson a souvent emprunté les poses aux maîtres du passé qui s’étaient exercés à l’autoportrait, comme Palma le jeune, Rembrandt et Le Bernin. Ce rapport d’identification était bien évidemment fascinant puisqu’on entre dans un aspect psychologique, dont la complexité échappe certainement à l’historien de l’art.

Jonathan, the elder Richardson (1665 – 1745), Portrait of Jonathan Richardson the Younger, 1733, pierre noire, sanguine et craie blanche sur papier bleu, H. 240 ; L. 287 mm, inv. D.1952.RW.1655 © The Samuel Courtauld Trust, The Courtauld Gallery, London

Ce travail d’identification se développait avec celui des portraits prenant pour modèle le fils de Richardson, qui lui ressemblait et l’assistait dans son atelier.

Richardson a beaucoup commenté ses autoportraits, indiquant la date, les conditions d’exécution ou son humeur. Parfois le verso comporte des hommages, comme celui particulièrement émouvant adressé à son fils bien aimé. De toute évidence, ces œuvres destinées à un usage strictement privé, déjouant toute nécessité de convention, se sont substituées à un journal intime.

La quinzaine de feuilles d’un seul artiste ouvrait à des réflexions savoureuses sur le portrait, l’autoportrait, la citation, la filiation, la vraisemblance et la ressemblance… Comme un retour sur soi incessant, une méditation sur sa vie, sans jamais suivre une piste déjà exploitée. C’était pour moi la découverte d’un artiste maîtrisant parfaitement son art qu’il n’a visiblement jamais cessé de questionner.

Jonathan, the elder Richardson (1665 – 1745), Autoportrait, 1736, plume et encre brune sur préparation au graphite © National Portrait Gallery, London

La particularité des accrochages de cette salle, c’est qu’aucun catalogue n’est édité. Cependant, le panneau introductif comme les cartels sont toujours parfaits : explications simples, concises et précises, de manière à satisfaire aussi bien l’amateur que le spécialiste. Ils ont d’ailleurs étaient la source unique pour a rédaction de ce billet.

C’est dommage que ce travail rédigé ne trouve pas de place dans une rubrique du blog du Courtauld Institute (dont je vous conseille la lecture) une fois l’exposition passée, afin de garder la mémoire et mieux valoriser cette recherche. D’autant plus qu’aucune piste de réflexion, que je vous ai rapidement énumérée puisque l’accrochage les donnait à voir, n’était développée.

Jonathan Richardson By Himself

The Gilbert and Ildiko Drawings Gallery Display 24 June – 20 September 2015