Scène de Déluge(s) chez Girodet: focus sur l’exposition-dossier présentée au Salon du dessin

Scènes de déluge(s) chez Girodet

Dernier jour pour aller découvrir au Salon du dessin l’exposition-dossier Scènes de déluge(s) consacrée aux dessins préparatoires d’Anne-Louis Girodet (1767-1824) au tableau qui fera son succès au Salon de 1806 ! C’est une généreuse initiative du Salon du dessin cette année, sur une idée de son président Louis de Bayser, d’Hélène Mouradian et de Bertrand Gautier, d’organiser cette exposition afin de sensibiliser les visiteurs au désarroi du musée Girodet dont les collections d’arts graphiques – entre autres – ont été victimes en mai dernier d’une inondation aussi inattendue que dévastatrice.

Anne-Louis Girodet, Etude pour la mère et son enfant, Montargis, musée Girodet

Un Musée sous les eaux

Conséquence de l’ouverture d’une large brèche dans les digues du canal de Briare, la crue du Loing a entraîné une montée des eaux exceptionnelle dans le centre-ville de Montargis, le 31 mai 2016. Alors que le musée, fermé depuis quatre ans, était sur le point de rouvrir ses portes après d’importants travaux d’extension et de rénovation, les flots ont envahi son rez-de-chaussée ainsi que le sous-sol. Installées dans des locaux pourtant réputés étanches, les réserves, dans lesquelles se trouvaient des tableaux, des sculptures ainsi que les meubles contenant la collection d’art graphique du musée, ont été submergées en quelques heures

Ce qui s’est passé au musée Girodet est un cauchemar absolu pour tout responsable de collection. Les équipes, avec à leur tête la directrice, Pascale Gardès et Sidonie Lemeux-Fraitot, chargée des collections, ont courageusement décidé de ne pas se laisser submerger à leur tour, et de tout mettre en œuvre pour sauver ce patrimoine. La responsable du pôle conservation-restauration au musée du Quai Branly, Eléonore Kissel, est immédiatement venue les rejoindre pour mettre son expérience au service des collections en organisant un plan de sauvetage. Les conservateurs des musées d’Orléans, de Tours n’ont pas hésité à venir prêter main-forte, ainsi que cinquante restaurateurs d’œuvres d’art venus bénévolement mettre leur savoir-faire au service de l’équipe du musée Girodet. Après la catastrophe, le pompage des eaux de la rivière s’étendra sur trois jours. Les meubles dans lesquels étaient rangés les arts graphiques resteront inaccessibles deux journées supplémentaires. Les feuilles gorgées d’eau sont immédiatement mises à sécher.

Puis vint le moment redouté du constat : les 1230 dessins et estampes constituant la collection graphique du musée Girodet ont été touchés. Les feuilles gorgées d’eau sont immédiatement mises à sécher. Seuls les dessins qui revenaient de l’exposition (providentielle) Maestria, un florilège des plus belles feuilles de la collection – présentée à Paris au Palais de l’Institut du 20 avril au 3 mai 2016 et que nous avions visitée avec Bella Maniera – avaient être épargnés : encore emballés et encadrés, ils ont pu être rapidement évacués du musée lors de la montée des eaux. Ont ainsi été préservées les superbes illustrations oniriques de Girodet pour le poème d’Ossian et des dessins d’autres artistes comme le saisissant Portrait de Diderot sur son lit de mort par Greuze. 68 tableaux endommagés sont envoyés au Centre de restauration des musées de France.

Les Amis du Musée ont également su prêter une assistance efficace en organisant une levée de fond de 30 000 euros par le biais du site internet Dartagnans, qui a servi depuis à la restauration de deux tableaux du XVIIe siècle de Hiéronymus Janssens. Comme suite à l’exposition Maestria, l’Académie des Beaux-Arts a accordé une subvention de 10 000 euros au musée. Du côté des pouvoirs publics, l’Etat a attribué 800 000 euros de subvention suite à un accord-cadre signé avec le musée en septembre dernier, et le département du Loiret s’est aussi engagé à le soutenir financièrement. Mais tous ces efforts ne compensent malheureusement qu’une partie des dégâts subis. D’où l’appel au don lancé aujourd’hui par le musée auprès des particuliers.

Face au désastre, le musée Girodet, qui a choisi de jouer la carte de la transparence, ne ménage pas ses efforts pour expliciter la catastrophe et sensibiliser le public au sort de ses collections. Les opérations de sauvetage du musée ont ainsi été révélées aux Montargois lors des journées du patrimoine à travers une exposition des photographies réalisées pendant la crue et pendant le sauvetage, puis lors de conférences, données en décembre dernier. Par ailleurs, Pascale Gardès et Eléonore Kissel ont récemment accueilli des élèves en master conservation- restauration à l’université de Tours pour un stage sur la conservation préventive des collections.

Le musée traverse actuellement une épreuve durant laquelle le terme de conservation du patrimoine prend tout son sens. C’est dans cet état d’esprit qu’a germé le projet d’exposition-dossier autour du chef-d’oeuvre de Girodet, le Déluge.

Le Déluge : une « inondation subite et partielle produite par une convulsion de la nature »

Ce sont par ces mots que Girodet lui-même définit ce sujet du Déluge (Paris, musée du Louvre), qu’il a choisi d’exposer au Salon de 1806. Il insiste bien sur le fait qu’il n’a pas souhaité illustrer une scène d’histoire, ni une scène mythologique (ni le Déluge universel, ni le Déluge de Deucalion), mais l’Humanité confrontée à un phénomène naturel et surpuissant.

Pour conjurer l’ironie du sort, le thème du Déluge, chef-d’œuvre de l’artiste et tableau précurseur du romantisme, a donc été choisi pour l’exposition présentée au Salon du dessin. Étrange coïncidence en effet au vu des événements récents que cette représentation d’une montée des eaux qui a permis à l’artiste de se faire remarquer par la critique au Salon de 1806 et de remporter un Prix en 1810 (face à son maître et concurrent David…!) …

Au Salon, les dessins préparatoires du Déluge se trouvent réunis pour la première fois depuis la mort de l’artiste. Sidonie Lemeux-Fraitot, spécialiste du peintre, et Claire Hansen Béales, chargée du développent des publics au musée Girodet, présentent aux visiteurs du Salon cet ensemble rare. Il faut d’ailleurs ici saluer la générosité des institutions partenaires qui se sont associées à l’événement par leurs prêts pour proposer une exposition très intéressante et de très belle qualité, permettant ainsi de présenter ces feuilles que Girodet avait soigneusement conservées dans son atelier jusqu’à sa mort.

En premier lieu, signalons les Beaux-Arts de Paris qui ont prêté trois dessins, le musée de Besançon qui a prêté une étude (trois de ces feuilles provenaient de la collection Jean Gigoux, qui fut proche des amis et des élèves de Girodet). Et également la Bibliothèque nationale, les musées de Nantes, de Dijon, et le musée du Louvre pour parfaire une réunion de dix dessins préparatoires qui permet de comprendre la méthode de travail de Girodet. Celui-ci montre le souci d’arrêter précisément sa composition sur le papier avant de passer à l’exécution de sa toile. Ces feuilles, premiers croquis, études d’ensemble de la composition, puis reprises détaillées de chacun des personnages d’après le modèle, sont présentées de manière didactique et permettent d’apprécier la maîtrise de Girodet dans les différentes techniques graphiques – pierre noire, mine de graphite, encres, la sûreté de son trait, sa parfaite appréhension du volume dans l’espace. Dans ces études de personnages, sa main évolue, au fil du travail, d’une écriture libre à la pierre noire, rehaussée d’accroches de craie blanche, vers une précision acérée du trait, une mise au net impeccable détaillant l’anatomie, le volume des masses musculaires d’après le modèle vivant. Girodet pousse le perfectionnisme en détaillant ses études de draperies : Nantes a prêté une étude magistrale de draperie gonflée par le vent, qui a été choisie comme affiche du Salon cette année.

L’artiste a travaillé quatre ans sur le Déluge. Il commence à y penser alors qu’il est encore en Italie. Il emprunte au souffle terrible du Jugement dernier de Michel-Ange à la Chapelle Sixtine, il se souvient de l’énergie déployée par les personnages fuyant dans l’Incendie du Bourg de Raphaël et Jules Romain dans les Chambres du Vatican, mais réinvente un sujet et qui réinvestit ses modèles.

Le tableau, par sa force, fit sensation au Salon de 1806. Bien sûr, il essuya quelques critiques, qui ne purent toutefois ébranler l’enthousiasme du public : l’envol des draperies fut jugé trop esthétique, trop dramatique au yeux de certains amateurs et « les eaux sont trop transparentes ; dans un événement semblable, elles doivent être salies par la quantité de terre, de sable et d’autres corps qu’elles ont du entraîner dans la violence de leurs cours »… Comme si Girodet s’était justement refusé à voir la noirceur de ces flots qui allaient submerger et endommager quelque 210 années plus tard le fruit de son travail, ses tableaux et ses dessins conservés au musée qui porte aujourd’hui son nom dans sa ville natale… C’est un tableau hors-norme, tout comme la crue qui par une ironie du sort devait submerger les esquisses de l’artiste 210 ans plus tard. Le musée conserve en effet un ensemble exceptionnel de 130 dessins de Girodet, dont un carnet de croquis, qu’il va dorénavant falloir restaurer. Ce sont des œuvres préparatoires à d’importantes compositions de l’artiste, comme Joseph reconnu par ses frères qui lui valut d’obtenir de Grand Prix de l’Académie en 1789 ou la Révolte du Caire, exposée au Salon de 1810, les dessins pour le poème d’Ossian, des illustrations de l’Enéide, de la Divine Comédie, ou des Odes d’Anacréon… Ce sont encore des premières pensées pour des œuvres à sujets mythologiques, des paysages, notamment réalisés pendant son voyage en Italie, de nombreuses académies mais également de précieux portraits des proches de l’artiste.

Le fond est désormais complètement sec et bien protégé. Le processus de dégradation rapide du papier lié à l’humidité a été rapidement endigué et a permis d’empêcher l’apparition des moisissures, redoutables pour les dessins. Mais le papier gorgé d’eau, puis asséché, malmené par la puissance de l’eau a souffert. La terre et la boue amenées par la rivière ont également laissé des taches, des traces qu’il sera souhaitable de faire disparaître des dessins. Le musée Girodet, riche de ce fond si précieux, a besoin de tous pour assurer sa conservation et sa restauration.

Faire un don aujourd’hui permet de sauver concrètement des dessins du musée Girodet ! (D’intérêt général, ces dons permettent de bénéficier d’abattements fiscaux : 66 % pour les entreprises et 60 % pour les particuliers).

Envoyez vos dons au musée !

http://www.musee-girodet.fr/inondations-appel-a-la-generosite

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Email : info@musee-girodet.ft

Adresse : 2, rue du Faubourg de la Chaussée

45200 Montargis