Louis-Antoine Prat : la passion du dessin

La première fois que j’ai vu Louis-Antoine Prat, c’était lors d’une conférence organisée en 2006, par Sophie Raux à l’université Lille III. Il y avait notamment raconté que le choix de sa marque de collection était un hommage à celle de Pierre-Jean Mariette. Ce détail m’avait marqué et j’avais pensé : « ça doit être trop bien de collectionner des dessins ! Mais qui est ce Mariette? »

Les quelques années passées m’ont permis de revoir Louis-Antoine Prat maintes fois, dans les ventes, au Salon du dessin et dans la salle de documentation des arts graphiques du Louvre où il m’a souvent donné des conseils pour ses cours à l’Ecole du Louvre : je n’ai jamais osé lui dire que j’étais à Paris IV…

Depuis, j’ai eu l’immense honneur et plaisir de découvrir sa collection de dessins français du XVIIe au XIXe siècle, qui réunit tous les grands noms : Poussin, Vouet, Le Sueur, Champaigne, Le Brun, Watteau, Fragonard, Greuze, David, Delacroix, Géricault, Ingres, Degas…

C’était comme rendre visite à des amis, ceux avec qui on partage presque tout, ceux qu’on connaît bien, ceux qu’on a perdu de vue, ceux dont on ne se rappelait parfois plus, mais avec lesquels on reprend immédiatement sa conversation.

Il y a donc pour les amoureux du dessin, comme moi, quelque chose de très familier et d’absolument enthousiasmant à voir les superbes dessins que Louis-Antoine Prat a choisis et dont il parle avec tant de passion !

Pierre-Paul Prud’hon, Allégorie de la Fortune, pierre noire et craie blanche sur papier bleu, H. 35 ; L. 22 cm, Paris, musée du Louvre, RF 44331, Recto ; donation Louis-Antoine Prat (sous réserve d’usufruit).

Pendant la troisième année de ma licence, j’ai vu ce dessin sur la couverture du catalogue de la collection Prat de 1995, dans une librairie. L’œuvre était si belle et énigmatique, qu’elle m’a convaincu d’acheter l’ouvrage. Dans David to Cézanne. Master Drawings from the Prat Collection (Sydney, 2010), le collectionneur détaille les conditions de ce qu’il décrit comme une sorte d’épiphanie au moment de l’acquisition de cette splendide feuille !

Louis-Antoine Prat compte parmi les collectionneurs français de dessins français les plus importants, tant les œuvres choisies au fil des ans sont de grande qualité et répondent aux exigences du marché : une feuille en bel état, si possible avec un élégant montage, représentative de la manière de l’artiste, mais rare par le sujet, la composition, sa provenance prestigieuse ou la place qu’elle occupe dans le corpus de l’artiste. Et puis, pour ne rien gâcher au plaisir de collectionner, Louis-Antoine Prat a la passion des enchères, n’hésitant pas à assommer les grands musées américains d’un coup de marteau.

Tout cela est très amusant et je vous conseille la lecture des catalogues d’exposition de sa collection, car ils regorgent d’anecdotes, sans compter que les œuvres de ses collections y sont parfaitement étudiées.

Michel DORIGNY, Une muse (Uranie ?) et deux putti tenant un globe, pierre noire et rehauts de blanc, H. 283 ; L. 385 mm, Paris, musée du Louvre, RF 44325, Recto ; donation Louis-Antoine Prat (sous réserve d’usufruit).

« Dans ma jeunesse, j’ai fait l’erreur d’accumuler, aujourd’hui, je choisis »

Louis-Antoine Prat est [de mon point de vue] un collectionneur fascinant parce qu’il a connu la hausse spectaculaire du marché du dessin ancien, lors de la vente de la collection du duc de Devonshire en 1984 et l’arrivée des grands fonds d’investissement américains. Cette conjoncture a modifié ses pratiques de collectionneur, comme certainement son activité de chargé de mission au musée du Louvre depuis presque quarante ans et d’enseignant d’histoire du dessin ancien, à l’Ecole du Louvre, sur pièce depuis plusieurs années.

Ici, vous trouverez une longue liste des publications de Louis-Antoine Prat, comprenant des sommes indispensables à l’histoire de l’art, comme le catalogue raisonné des dessins de Nicolas Poussin, d’Antoine Watteau, de Jacques-Louis David avec Pierre Rosenberg, Chassériau aussi, sans oublier l’inventaire des dessins de la collection Chenevières. Sacrés ouvrages !

Antoine DIEU, Etude pour un plafond avec des figures allégoriques, plume et encre grise, lavis gris et sanguine, H. 243 ; L. 353 mm, collection Louis-Antoine Prat

Le collectionneur, l’historien de l’art et l’enseignant

Si l’on a beaucoup parlé du goût « Puech » ou du goût « Petit-Hory », il conviendrait de parler du goût en le conjugant à la connaissance « Prat ». De toute évidence, Louis-Antoine Prat est un des rares collectionneurs de dessins au monde à avoir autant publié sur les arts graphiques, et enseigner l’histoire du dessin ancien dans une institution publique.

Par conséquent, en publiant Le Dessin français du XVIIIe siècle, afin de compléter ceux déjà consacrés au XVIIe et au XIXe, Louis-Antoine Prat comble une lacune bibliographique importante dans notre domaine chéri, puisque ces trois ouvrages sont pensés comme de véritables manuels.

L’histoire continue après la fermeture de la page du blog : rendez-vous aux prochaines ventes pour voir la collection Prat s’agrandir. Sans aucun doute, ce sera réjouissant !

Eugène Fromentin, Etude pour un cavalier arabe, graphite, mise au carreau, H. 235 ; L. 150 mm, collection Louis-Antoine Prat


Je remercie chaleureusement Louis-Antoine Prat qui m’a autorisé à reproduire les dessins de sa collection pour cet article.