Le « Getty Paper Project » en France

The Paper Project: Prints and Drawings Curatorship in the 21st Century est le nom de l’important programme international de formation des futurs conservateurs d’oeuvres sur papier. Lancé en janvier 2018 par la Getty Foundation (puissante organisation en faveur de l’histoire de l’art et des musées, basée à Los Angeles), il distribue actuellement 2,4 millions de dollars à des institutions américaines, françaises, anglaises, allemandes et hollandaises. Les fonds sont diversement employés par les bénéficiaires : séminaires pour jeunes spécialistes ou professionnels des musées, postes de conservateur-pensionnaire, aides aux publications… Le but est de pallier un problème auquel se sont heurtés certains musées ces quatre dernières années : la difficulté à recruter des conservateurs en charge de département d’oeuvres sur papier, en raison de la raréfaction des conservateurs spécialisés.

Pour le dessin ancien, l’impulsion de la Getty Foundation est formidable car elle offre une visibilité aux dessins, habitués à vivre dans l’ombre des musées. Elle engage les conservateurs à développer tout le potentiel des collections dont ils ont la charge, et la possibilité de se donner les moyens pour mener à bien leurs projets, tout en favorisant l’acquisition de compétences pour le pensionnaire. C’est en cela que le programme du « Getty Paper Project » est exceptionnel, puisqu’il n’impose pas une formule aux musées mais les aide à créer un projet taillé sur mesure.

Les postes de conservateurs-pensionnaires requièrent le plus de soutien financier. À l’étranger, ils permettent d’accompagner les demandes de dégel ou de création de postes. En France, la donne est différente. En effet, les musées recourent peu, à l’inverse de leurs voisins anglais, hollandais et surtout américains, au « curatorial fellowship », c’est-à-dire à l’accueil pendant une ou deux années de doctorants ou docteurs en Histoire de l’Art, souhaitant devenir conservateur. Il faut saluer la Fondation Custodia qui, en 2016, a créé un curatorial fellowship, d’une durée de deux ans, sous la forme d’un échange avec le Rijksmuseum d’Amsterdam, sans lien obligatoire avec des études en doctorat. Mais surtout, en France, les musées publics ne favorisent pas le système de curatorial fellowship car celui-ci est inclus dans la formation des conservateurs du patrimoine, mise en place par l’Institut national du patrimoine. En effet, après la réussite d’un concours parmi les plus exigeants en France, les lauréats en spécialité musée doivent réaliser trois stages : un de spécialisation pendant six mois dans un musée français, un stage de six semaines dans une institution étrangère et un stage de quatre semaines dans une institution ne relevant pas de leur spécialité. En raison de ce mode de formation, la France n’a pas immédiatement réagi au « Getty Paper Project ». Et, fait intéressant, les premiers musées à postuler l’été 2018 sont des institutions gérées par des associations ou des fondations. Peut-être est-ce en raison de la recherche de ressources financières, qui est un enjeu permanent pour mener à bien leurs missions. Peut-être aussi que le montage d’un dossier de candidature se révèle plus souple dans ces structures.

Bénédicte Gady, pour le MAD, a été la première en France à obtenir un curatorial fellowship d’une durée de 18 mois, afin d’obtenir un soutien dans la réalisation de son ambitieux projet, que l’on pourrait résumer à la renaissance du cabinet des dessins du MAD, belle endormie de 200.000 feuilles en plein cœur de Paris. Je raconterai mon expérience [tâche titanesque mais fabuleuse] sur mon blog, puisque j’ai la joie d’être la plus qu’heureuse élue.

Ensuite, Emmanuelle Brugerolles a proposé un curatorial fellowship au cabinet des dessins de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris.

Comme le Paper Project de la Getty Foundation se poursuit jusqu’en 2022, aussi, on espère que d’autres musées sauront saisir cette chance inestimable !